Période d’attaque (entre 5 et 7 jours) dernier jour

Vendredi 07 Aout 2009 00h30

Ce soir je suis de mauvaise humeur. Derrière mon casier j’ai inutilement tenté de faire abstraction de mon entourage mais rien n’y a fait. A ma gauche deux collègues n’ont rien trouvé de mieux que de parler de ce qu’ils allaient manger ce soir au restaurant. Tout en sachant que je suis au régime, ils ont pris un malin plaisir à me toiser sans répits jusqu’à ce que j’exprime une réaction face à cet inoffensif harcèlement. Un jeu pour eux qui est très vite devenu pour moi un exercice périlleux consistant à maintenir un calme apparent. Plus qu’une demi-heure à tenir dans une ambiance surchauffée. Plus que trente minutes à traiter un courrier normalement dévolu à une trieuse automatique. Impossible pour moi d’y échapper. Je ne sais pas encore ce qu’ils vont faire de moi cette nuit mais je prie pour que la tâche qui va m’être attribuée ne soit pas trop pesante.
Entre la moiteur de mon environnement, l’air tiède diffusé par une climatisation  insalubre et des dirigeants qui surveillent avec zèle le comportement des agents derrière leur plan de tri, j’ai envie de saisir la moindre occasion pour m’échapper.
Plus tôt j’ai posé mon regard devant le distributeur de barres chocolatées sans pouvoir y glisser la moindre pièce. Plus que la volonté ce soir de résister à la tentation, c’est l’absence de monnaie dans mes poches qui m'a empêchée de plonger.
A mon retour, le duo continuait à parler nourriture. Je crois que ce qui m’a le plus énervé fut d’entendre Martine rire.  Mais je n’ai rien dit. Parce que très souvent par le passé, elle et moi avons régulièrement parlé de ce sujet qui mène le palais à désirer les plats les plus  alléchants. Je me voyais mal ce soir lui faire le reproche d’en parler avec un autre alors que mon estomac n’avait jamais été aussi désireux de connaître les délices de la satiété.

"Il y a quelque chose plus difficile encore que de s'astreindre à un régime, c'est de ne pas l'imposer aux autres." (Marcel Proust)

Cette même nuit vers 01h30

Me voici enfermé dans un bureau que je pensais déserté. Pourtant, nombreux sont ceux qui passent à tour de rôle. Curieux, certains viennent voir quel étrange petit boitier noir me sert de machine à écrire. D’autres encore s’excusent d’une voix snob pour le dérangement. Mais pour qui ces derniers m’ont-ils pris. Je n’essaie aucunement d’intellectualiser mon espace mais simplement d’occuper mon esprit à défaut de remplir mon estomac. Derrière une grande baie vitrée quatre personnes parlent à voix haute. Depuis maintenant une demi-heure, un camion passe de temps en temps vomir son contenu de courrier. C’est le classique environnement sonore qui  termine de me convaincre d‘arrêter pour ce soir l‘écriture.

Au petit matin…

Je constate avec un plaisir grandissant que mes forces reviennent. Demain commence une nouvelle étape. Beaucoup moins contraignante. L'apport de légumes sera pour moi l'occasion de connaître un regain de courage. Une motivation qui au fil des jours, et ce malgré ma ténacité, a bien failli s'effriter, pour disparaître à jamais...